By: Admin On: juin 11, 2020 In: Uncategorized Comments: 0

Le projet de loi visant à apaiser les relations entre bailleurs
et locataires porté par le député Mickaël Nogal, député
LREM de Haute-Garonne a été dévoilé. Nicolas Damas
répond à nos questions sur ce projet.

Que contient la proposition de loi déposée par M. Nogal ?

Elle a pour objectif proclamé d’apaiser et de sécuriser les relations entre locataires et bailleurs. Elle fait suite au rapport présenté
en juin 2019 et intitulé « louer en confiance ».
Cette proposition (dont la rédaction pourrait, à droit constant, être nettement améliorée) contient trois axes qui sont destinés à rassurer tant les locataires que les bailleurs. D’une part, la restitution du dépôt de garantie, qui est à l’origine d’une proportion significative des contentieux locatifs, ne serait plus laissée au « bon vouloir » du bailleur : le montant de ce dépôt serait, en effet, séquestré obligatoirement (et gratuitement – ce qui pose la question de la compensation de cette responsabilité nouvelle) auprès d’un professionnel de l’immobilier, qui aurait la tâche, en fin de bail, de le restituer sur la base d’un accord entre les parties. D’autre part, le bailleur ne pourrait plus exiger du candidat à la location qu’il présente plusieurs cautions. Depuis une loi du 25 mars 2009, les possibilités de conclure un cautionnement valable ont été fortement réduites, et la proposition de loi Nogal viserait à nouveau à durcir ce régime en ne permettant pas au bailleur d’exiger plus d’une caution. Enfin, la proposition met en exergue la création d’un nouveau mandat de gestion qui serait proposé par les administrateurs de biens, et qui garantirait aux bailleurs le paiement des loyers, et l’indemnisation d’éventuelles dégradations.

Que penser de cette incitation à recourir à un intermédiaire professionnel ?

Le recours à un professionnel est déjà un gage de sécurisation, grâce aux conseils prodigués, à la connaissance des textes et du terrain, et aux garanties financières obligatoires. Le droit des
baux d’habitation s’est considérablement complexifié depuis une quinzaine d’années et un propriétaire particulier ne peut qu’être incité à s’adjoindre un spécialiste. Mais la question du
coût peut être perçue comme rédhibitoire, notamment lorsque le rendement locatif est déjà faible et/ou que la rotation des locataires est rapide. Il appartiendra aux professionnels de
démontrer que leur valeur ajoutée compense et surtout dépasse ce coût. En l’occurrence, il est intéressant de noter que si pour le dépôt de garantie, le recours au professionnel serait obligatoire,
il n’en irait pas de même pour la garantie de paiement des loyers, assujettie à la conclusion optionnelle d’un mandat de gestion d’un nouveau type. La piste est intéressante. Le propriétaire
pourrait ainsi arbitrer entre le coût de ce mandat destiné à le sécuriser pleinement et la gestion en direct de son bien, avec souscription personnelle d’une assurance « garantie des loyers
impayés » (GLI) ou l’exigence d’un cautionnement. Il restera à préciser les modalités de la couverture du risque. Depuis la loi ALUR et sa garantie loyer universelle, mort-née, les usines à gaz
sont pavées de bonnes intentions… Il est également intéressant de citer une récente étude de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) qui fait apparaître une plus grande
exigence des administrateurs de biens (par rapport aux propriétaires louant en direct leur bien) en ce qui concerne le niveau de ressources des candidats à la location (Sécuriser sa mise en location
face au risque d’impayés, ANIL, juin 2019). Il faudra s’assurer que ce mandat offrant une garantie « premium » aux bailleurs ne conduise pas en pratique à ne sélectionner que des locataires
disposant de ressources élevées, et qui, sans doute, n’exposeraient pas les propriétaires à un risque important d’impayés…

Ces dispositions permettront-elles de relancer l’offre locative ?

C’est le coeur du problème. D’un côté, les pouvoirs publics incitent, principalement sur le plan fiscal, à l’investissement locatif.
Mais, d’un autre côté, ils renforcent les contraintes juridiques pesant sur les bailleurs (sélection de son futur locataire, modalité de délivrance du congé, action en résiliation judiciaire) dans un
souci, certes légitime, de protection du locataire, mais qui peut ensuite se retourner contre celui-ci : ainsi, si un seul cautionnement peut être demandé, le risque est d’évincer une partie des
candidats à la location lorsque, dans un marché tendu, le propriétaire a le choix parmi une multitude de candidats. L’aspect psychologique étant important, même s’il est difficile de le mesurer,
tout mécanisme qui rassurerait les bailleurs est positif. Une autre piste a été, par exemple, proposée par M. Pauget (prop. déposée à l’Ass. nat. le 11 sept. 2019), prévoyant notamment
la création d’un fichier recensant les incidents de paiements caractérisés des loyers, à destination des propriétaires ou des professionnels (ce qui a suscité récemment un certain nombre
de réactions).
Arbitrer entre les intérêts du bailleur et ceux du locataire n’est guère aisé, surtout au vu de la diversification des situations :
le bailleur institutionnel n’a pas la même pratique, ni la même approche que le « petit » propriétaire d’un logement. Les contraintes des zones tendues ne sont pas transposables au
reste du territoire. La proposition Nogal a le mérite d’ouvrir une piste optionnelle (le nouveau mandat sécurisé), ce qui réintroduit une certaine liberté, mais apparaît assez dirigiste sur d’autres
aspects (cautionnement et dépôt de garantie). Peut-être serait-il opportun de lancer une expérimentation et d’en tirer des enseignements avant de généraliser de tels dispositifs.

Nicolas Damas est maître de conférences à l’Université de Lorraine et avocat